Décadence fin de siècle by Michel Winock

Décadence fin de siècle by Michel Winock

Auteur:Michel Winock
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2017-04-14T16:00:00+00:00


Le disciple de Bourget

Plus connu que Léon Bloy, un autre des disciples de Barbey, Paul Bourget, prend la relève. Barbey aimait bien Bourget, qui faisait partie de ses admirateurs. En 1883, celui-ci, à trente et un ans, avait préfacé ses troisième et quatrième Memoranda, la suite de son Journal. Il n’avait pas suivi le maître par catholicisme — malgré les efforts de Léon Bloy pour le convertir. Celui qui allait devenir le modèle de l’écrivain traditionaliste n’avait pas encore trouvé son chemin de Damas. Paul Bourget était entré dans la familiarité de Barbey d’Aurevilly par goût littéraire, et aussi, sans doute, parce qu’il partageait avec lui une attitude antimoderne, une sensibilité à la décadence, dont il donnait la clé dans l’ouvrage qui a consacré sa réputation, Essais de psychologie contemporaine, paru en cette même année 1883. À travers une dizaine d’études, il expliquait la crise de la jeunesse, privée des sources de vie morale, par le pessimisme de la génération précédente.

Dans son chapitre sur Baudelaire, Bourget proposait une théorie de la décadence. Il partait d’une définition organiciste de la société, la fédération des organismes moindres qui se résolvent dans l’unité : « Si l’énergie des cellules devient indépendante, les organismes qui composent l’organisme total cessent pareillement de subordonner leur énergie à l’énergie totale, et l’anarchie qui s’établit constitue la décadence de l’ensemble. L’organisme social […] entre en décadence aussitôt que la vie individuelle s’est exagérée sous l’influence du bien-être acquis et de l’hérédité. » Et Bourget en arrivait ainsi à définir le style de décadence, celui où « l’unité du livre se décompose pour laisser place à l’indépendance de la page, où la page se décompose pour laisser la place à l’indépendance de la phrase, et la phrase pour laisser la place à l’indépendance du mot ». Ce qui faisait de l’excès des néologismes un des critères du style décadent.

Le Paul Bourget de cette époque, s’il déplore la décadence du point de vue social, peut aussi s’en réjouir du point de vue de l’art. L’indépendance individuelle, la singularité de l’artiste, les raffinements du virtuose s’y épanouissent : « Le grand argument contre les décadences, c’est qu’elles n’ont pas de lendemain et que toujours une barbarie les écrase. Mais n’est-ce pas le lot fatal de l’exquis et du rare d’avoir tort devant la brutalité ? On est en droit d’avouer un tort de cette sorte et de préférer la défaite d’Athènes en décadence au triomphe du Macédonien violent. » Bourget pourra se prévaloir d’avoir fait de la « décadence » un pont-aux-ânes de l’esprit fin de siècle.

Avec son roman Le Disciple, en 1889, il s’arrache à la complaisance désabusée ; il devient moral et accusateur. Il relate un fait divers, une sorte de roman policier, une histoire qui pourrait être banale : un jeune homme de modeste condition, devenu précepteur dans une famille aristocratique, séduit la jeune fille de la maison qui finit par se donner la mort. La dimension sociale de l’intrigue est évidente : le suicide de Charlotte est



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